La renverse – Olivier Adam

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Dans un paysage battu par la mer, le vent et le embruns, Antoine semble en exil. Une vie choisie certes, pour échapper à sa jeunesse broyée et à un passé qu’il a effacé. Mais là aussi dans cet environnement entre horizon infini et librairie-refuge, il semble ne pas vouloir laisser de traces durables. Chloé, sa petite amie le pressent elle aussi, composant avec ce bonhomme taiseux : « Un jour je me retournerai et tu ne seras plus là, tu n’auras pas gravé d’empreinte. Et je me demanderais si tu as vraiment existé. »
Mais le passé, malgré tous les efforts d’Antoine, le rattrape un matin au détour d’un titre aux infos : l’annonce de la mort de Jean-François Laborde, homme politique, ministre délégué quelques temps dans un gouvernement, réveille les blessures enfouies et jamais totalement refermées. C’était il y a quinzaine d’années, dans une petite ville-dortoir : son père, sa mère, son frère, des rumeurs, une affaire de moeurs et de politique et des vies qui s’effondrent. Antoine replonge lentement dans le processus de destruction qui l’a conduit, comme son frère, à fuir sa famille et son enfance.
Loin d’un simple étalage de scandale politico-sexuel, Olivier Adam s’intéresse plutôt aux dommages collatéraux de l’affaire et analyse avec justesse les dégâts, les luttes, les petites béquilles qu’on se fabrique pour tenter de tenir encore debout. Il évoque ceux dont on ne parle pas quand les scoops font la Une des journaux. Une lame de fond qui recouvre tout alentour et balaie en profondeur. Antoine, Camille, Léa que l’on n’a pas forcément chercher, penser à protéger, que personne n’a su ou voulu voir souffrir, qui ont tenté de rester à la surface. Et qui ont tous fini par fuir, chacun à leur manière, pour mettre à distance le chaos.
Comme souvent, très souvent, j’ai eu un plaisir fou à retrouver la petite musique d’Olivier Adam, ses âmes errantes qui ne trouvent qu’un peu de repos face aux éléments, sa capacité à sonder les profondeurs de l’âme humaine. Un livre qui m’habite encore, de manière diffuse, parce qu’il me murmure tant de choses qui me sont proches. Plus largement, un bon cru de cette rentrée littéraire d’hiver, avec toujours une petite lueur au bout.

« J’avais souvent l’impression qu’on m’avait un jour vidé de ma propre substance, de ma capacité à ressentir les choses, à me sentir impliqué. A m’émouvoir, même. Un rien pouvait pourtant me pousser au bord des larmes. Mais seulement s’il s’agissait d’un livre, d’un personnage de fiction, d’un événement extérieur, d’une scène volée ici ou là. J’étais dans ce registre maladivement empathique, névrotiquement compassionnel. Mais tout à fait imperméable à tout ce qui touchait ma propre vie. Je demeurais à la surface. Je n’avais pas trente ans et je vivais seul ou à peu près, dans le giron du vent, du ciel et de la mer. J’avais parfois la sensation que ce grand désert liquide, ces étendues me prolongeaient. »

La renverse d’Olivier Adam. Editions Flammarion/ janvier 2016

 

Ludovic l’a vraiment beaucoup aimé et c’est à lire ici dans le Bricabook de Leiloona.

8 réflexions sur “La renverse – Olivier Adam

  1. Aaah Olivier Adam, je crois que ce n’est as un auteur pour moi (mais j’ai bien aimé son roman jeunesse « La messe anniversaire » – lu il y a longtemps – maintenant il ne m’attire pas du tout) (je sais, je suis dure et totalement insensible à son « charme » marin) 😉

    1. Je suis une fan depuis des années lorsque j’ai découvert un livre de nouvelles : « Passer l’hiver ». Puis voilà j’ai enchainé (en romans jeunesse aussi) avec des titres qui me touchent plus intensément que d’autres. J’ai toujours une forme de plaisir à le « retrouver » à chaque nouvelle publication. Il est des auteurs comme ça qui ont une place particulière dans nos coeurs – à chacun le sien 😉

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