Betty – Tiffany McDaniel

– Ce que je viens de te raconter, c’est le mensonge dans toute sa splendeur. Est-ce que tu as envie d’entendre la vérité dans toute sa laideur ?

Ouvrir Betty, c’est plonger dans un monde où se côtoient presque douloureusement la violence et la douceur. La violence, pour la jeune Betty Carpenter, d’être née de père Cherokee, la peau trop sombre. La violence d’être née d’une mère à la peau claire sans n’avoir rien pris d’elle. La violence d’être née fille dans un monde où les hommes se servent, même sans permission. Mais dans ce monde abrupt qui pique, frappe, viole, il y a aussi Landon Carpenter, homme à l’amour débordant. Un père guérisseur qui ne panse pas les plaies qu’avec ses seules potions. Il apaise avec des mots. Ses histoires sont des onguents qui calment les blessures de Betty. Celles de Lint aussi, ce petit frère pas tout à fait comme les autres. Landon attise les rêves de ses enfants, comme celui de Flossie de briller parmi les stars. Il cultive l’art du dessin de son fils Trustin ou celui pour l’écriture de Betty. Il aime pour deux, Landon, quand sa femme défaille ou que sa fille aînée Fraya déraille. Il porte à bout de bras et de rêves cette famille qui s’effrite. Il tient bon, malgré les pertes qui font des trous dans le cœur, insufflant à Betty, sa « Petite Indienne », la puissance des femmes Cherokee. Elle sera, même dans la tourmente, la dépositaire des origines.

Ouvrir Betty, c’est être porté·e par l’imaginaire de Landon Carpenter qui habille de douceur la rudesse de la vie. Mais c’est aussi être parfois broyé·e par la violence qui se niche au cœur de cette famille. C’est admirer aussi la force de cette enfant et adolescente devenue jeune femme, avançant malgré les blessures, luttant comme elle peut. Elle tait parfois sa révolte Betty parce qu’elle n’est pas une super héroïne. Non. Prise dans l’étau des traumatismes de sa mère, du mensonge de son frère Leland, des secrets de sa soeur Fraya, des larmes versées sur ses frère et sœur morts, Betty avance, lutte, hurle aussi parfois. Elle écrit, déverse pour laisser une trace, se faisant gardienne de la mémoire de cette famille bancale. Portée haut par ce père qui lui a appris qu’elle était « quelqu’un d’important », Betty, toujours, se tiendra debout. Un roman fort, qui bouscule et laisse assurément sa trace.

Betty de Tiffany McDaniel (traduit de l’américain par François Happe). Editions Gallmeister/ 2020.

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